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Réflexions sur la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires

La Société Française de Thérapie Cellulaire et Génique (SFTCG) est une organisation sans but lucratif qui représente les intérêts des scientifiques concernés par le développement de nouvelles thérapies cellulaires et géniques. La société a pour mission la promotion du progrès thérapeutique dans le domaine des biothérapies, de la médecine regenerative, des technologies basées sur le transfert de gènes et la biologie cellulaire pour les maladies de tous types, génétiques ou acquises. Les principaux buts de notre société sont d’augmenter l’efficacité de la recherche en thérapies cellulaire et génique grâce à une meilleure collaboration et un partage des connaissances et des ressources, d’améliorer la communication entre scientifiques, et de constituer une interface directe entre les scientifiques et les patients à travers les associations de patients, les autorités gouvernementales, les institutions de recherche, les agences réglementaires au niveau national et Européen ainsi que les sociétés impliquées dans les technologies de transfert de gènes et le développement d’innovations thérapeutiques. C’est pour toutes ces raisons que les membres de la SFTCG se sont mobilisés très tôt autour de la question de l’édition du génome humain, par l’organisation de rencontres scientifiques et de groupes de réflexion, notamment avec nos collègues de la Société Française de Génétique Humaine. Nous avons ainsi publié une tribune parue le 12/04/2016 dans le journal Le Monde, et sommes intervenus à la demande de l’OPECST, au cours de l’audition publique, ouverte à la presse sur « les nouvelles biotechnologies : quelles applications, quel débat public ? », tenue le 27/10/2016. Dans les deux cas, nous avons adopté une position ferme et refusé d’entrevoir toute application médicale de l’édition du génome embryonnaire et germinal, via notamment CRISPR-Cas9, en l’état actuel de nos connaissances. De notre point de vue, en l’absence d’innocuité, cette approche n’est pas compatible avec une modification du génome humain transmissible à la descendance. De plus, les moyens actuels de séquençage haut-débit, notamment sur une cellule unique, pour évaluer les effets collatéraux de cette approche à distance de la cible sont techniquement insuffisants. Il a depuis été démontré par des études in vitro sur lignées cellulaires que nos craintes étaient avérées. Enfin, la question du contrôle et de la vérification de la modification d’une région génomique reste entière ; comment procéder ? Quelles sont les méthodologies utilisables au stade unicellulaire ? Comment agir de manière non invasive ? Comment gérer le risque d’un effet « mosaïque » ? Cependant, cette position ferme concernant l’application médicale de l’édition du génome embryonnaire et germinal ne doit pas remettre en question la nécessité de pouvoir procéder à des activités de recherche fondamentale sur ces mêmes embryons à l’aide de stratégies similaires. Ces travaux de recherche seront des pré-requis essentiels à une meilleure compréhension des mécanismes intimes de l’embryogenèse humaine, qui demeurent inaccessibles avec nos modèles expérimentaux actuels. Aussi, autoriser pour la recherche dans un cadre règlementaire strict l’utilisation des embryons humains surnuméraires ne faisant plus l’objet de projet parental nous permettra d’expérimenter une nouvelle génération de nucleases, plus spécifiques, mais aussi de mettre en place des stratégies de contrôle de la spécificité de ces approches. Il ne faut pas s’interdire la possibilité de réussir un jour à soigner par l’édition du génome germinal des maladies génétiques jusqu’à présent incurables. Dans tous les cas, autoriser pour la recherche l’utilisation d’embryons humains surnuméraires ne faisant plus l’objet de projet parental permettra aux chercheurs français de mener à bien ces recherches en France, dans un cadre règlementaire strict et contrôlé, à même de déterminer si l’édition du génome est une alternative crédible pour la prise en charge de maladies génétiques débilitantes et incurables. Le second point que voulaient aborder les membres de la SFTCG concerne également le versant embryonnaire, et plus particulièrement les cellules souches embryonnaires humaines. En effet, ces cellules, une fois isolées à partir d’un embryon précoce (stade blastocyste) peuvent être maintenues en culture ad vitam eternam dans les laboratoires. Ces cellules intéressent les chercheurs affiliés à la SFTCG à plus d’un titre. Ces cellules non génétiquement manipulées (par opposition aux cellules somatiques reprogrammées à la pluripotence ou « iPSC ») permettent en effet d’acquérir de nouvelles connaissances sur le développement normal et pathologique humain, mais aussi concernant les maladies génétiques rares en servant de modèle cellulaire et en autorisant le test des médicaments. Ces cellules souches embryonnaires humaines peuvent également être utilisées en thérapie cellulaire, pour régénérer un organe ou produire des substances nécessaires à rétablir une fonction biologique. Elles constituent un réservoir inépuisable de cellules qu’il est possible de différencier en cellules d’intérêt thérapeutique pour le patient. L’utilisation de cellules souches embryonnaires a soulevé des problèmes éthiques car leur prélèvement nécessite la destruction d’un embryon. Mais, cette question éthique relève plus de la recherche sur l’embryon, c’est à dire quel embryon et dans quelles conditions serait-il légitime de détruire un embryon pour la recherche, que d’une problématique spécifique des cellules souches embryonnaires. En effet, une fois la décision de destruction d’un embryon pour la recherche actée, l’usage qu’il est fait des cellules qui en sont issues (pour une analyse immédiate ou pour obtenir des cellules souches embryonnaires), ne relève plus de la problématique de la recherche sur l’embryon. Aujourd’hui, plus aucun embryon n’est utilisé à ces fins d’isolement des cellules souches embryonnaires, le nombre de cellules présentes dans les laboratoires ad vitam eternam ne nécessite plus de destruction d’embryons. Aussi, nous demandons que l’utilisation des cellules souches embryonnaires humaines pour la recherche sorte du périmètre de la loi sur la recherche sur l’embryon. En conclusion, nous souhaitons que la loi actuelle soit modifiée pour permettre l’utilisation pour la recherche d’embryons humains surnuméraires ne faisant plus l’objet de projet parental, afin notamment de rendre possible les recherches sur les stratégies de modification du génome germinal, et pour mieux caractériser les possibilités offertes par les cellules souches embryonnaires, et ôter de la loi l’encadrement sur les cellules souches embryonnaires humaines. Nous attestons que ce document pourra figurer sur le site web des États Généraux. Veuillez agréer, cher collègue, nos salutations les plus respectueuses,


Pour le bureau de la SFTCG, le 19 Mars 2018

Anne Dubart-Kupperschmitt, invitée

John De Vos

Michel Pucéat

Pierre Cordelier

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